Raison et Sensibilité, Tome Premier - Jane Austen.pdf

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Project Gutenberg's Raison et Sensibilité, Tome Premier, by Jane Austen
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Title: Raison et Sensibilité, Tome Premier
ou les deux manières d'aimer
Author: Jane Austen
Translator: Isabelle de Montolieu
Release Date: August 11, 2010 [EBook #33388]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK RAISON ET SENSIBILITÉ, TOME ***
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NOTE DE TRANSCRIPTION:
Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
La référence à l'auteur et à l'œuvre originale a été ajoutée
(publié de façon anonyme)
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
CHAPITRE VI.
CHAPITRE VII.
CHAPITRE VIII.
CHAPITRE IX.
CHAPITRE X.
CHAPITRE XI.
CHAPITRE XII.
CHAPITRE XIII.
CHAPITRE XIV.
CHAPITRE XV.
CHAPITRE XVI.
CHAPITRE XVII.
CHAPITRE XVIII.
CHAPITRE XIX.
CHAPITRE XX.
RAISON ET SENSIBILITÉ.
DE L'IMPRIMERIE DE D'HAUTEL,
rue de la Harpe, n o . 80.
RAISON
ET
SENSIBILITÉ,
OU
LES DEUX MANIÈRES D'AIMER.
D'APRÈS L'ŒUVRE ORIGINALE
SENSE AND SENSIBILITY
DE M me JANE AUSTEN
TRADUIT LIBREMENT DE L'ANGLAIS,
PAR
M me ISABELLE DE MONTOLIEU.
TOME PREMIER.
A PARIS,
CHEZ ARTHUS-BERTRAND, LIBRAIRE,
RUE HAUTEFEUILLE, N o . 23.
1815.
RAISON
ET
SENSIBILITÉ.
CHAPITRE PREMIER.
La famille des Dashwood était depuis long-temps établie dans le comté de Sussex. Leurs
domaines étaient étendus, et leur résidence habituelle était à Norland-Park, au centre de leurs
propriétés, où plusieurs générations avaient vécu avec honneur, aimées et respectées de leurs
vassaux et de leurs voisins.
Le dernier possesseur de ces biens, était un vieux célibataire, qui pendant long-temps avait
vécu avec une sœur chargée de diriger l'économie de sa maison, en même temps qu'elle était
sa fidèle compagne. Elle mourut dix ans avant lui, et pour réparer cette perte, il invita un
neveu, qui devait hériter de ses terres, à venir vivre auprès de lui avec toute sa famille. Ce
neveu, M. Henri Dashwood était marié, et il avait des enfans. Le bon vieillard trouva dans
leur société un bonheur qui lui était inconnu, et son attachement pour eux tous s'augmenta
chaque jour. Monsieur et madame Henri Dashwood soignèrent sa vieillesse bien moins par
intérêt que par bonté de cœur, et la gaîté des enfans, et leurs douces caresses animèrent le soir
de sa vie et la prolongèrent.
M. Henri Dashwood avait un fils d'un premier mariage et trois filles de sa seconde femme.
Son fils John était en possession d'une belle fortune provenante de sa mère, qui avait été très-
riche. Econome par caractère, il ne fit aucune folle dépense, et se maria de bonne heure à miss
Fanny Ferrars, jeune personne riche aussi, qui ajouta encore à sa fortune. La succession de la
terre de Norland ne lui était donc pas aussi nécessaire qu'à ses trois sœurs qui n'avaient pas les
mêmes espérances; leur mère n'avait rien du tout à leur laisser, et leur père ne pouvait
disposer que de sept mille livres sterling. Tout le reste de sa fortune devait revenir après lui à
son fils, attendu qu'il n'avait eu pendant sa vie que la jouissance de la moitié du bien de sa
première femme.
Le vieux oncle mourut; son testament fut ouvert, et comme il arrive presque toujours, il fit
beaucoup de mécontens. M. Henri Dashwood devait naturellement s'attendre à être le seul
héritier, et l'était en effet, mais de manière à détruire pour lui la valeur de cet héritage, auquel
il n'attachait de prix que pour faire un sort à sa femme et à ses trois filles, son fils étant déjà si
avantageusement pourvu du côté de la fortune. Mais à sa grande surprise son oncle, qui
paraissait aussi les aimer tendrement, avait cependant substitué tous ses biens à ce fils et à son
enfant âgé de trois ou quatre ans; tellement que M. Henri Dashwood n'avait plus le pouvoir
d'en aliéner la moindre partie pour faire un sort à sa femme et à ses filles. Pendant les
dernières années de la vie du vieillard, M. John Dashwood et sa femme avaient eu soin de lui
faire beaucoup de visites, et d'amener avec eux leur petit garçon, qui caressait le vieux oncle,
l'appelait bon grand papa , jouait autour de lui, l'amusait de son petit babil, et même de ses
sottises enfantines, et qui finit par lui faire oublier toutes les attentions que ses nièces lui
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avaient prodiguées pendant des années. Il leur laissait cependant à chacune mille pièces,
comme une marque d'amitié; mais c'était tout ce qu'elles avaient à prétendre de son héritage.
M. Henri Dashwood fut d'abord consterné de ces dispositions; il se consola cependant, en
pensant que quoiqu'il fût déja grand-père, il pouvait raisonnablement espérer de vivre encore
bien des années, et de faire d'assez fortes économies sur ses grands revenus pour laisser après
lui une somme considérable. Mais sur quoi peut compter l'homme mortel! M. Dashwood ne
survécut que quelques mois à son oncle, et de cette fortune si long-temps attendue, il ne resta
à sa femme et à ses trois filles que dix mille pièces, y compris le legs des trois mille. Aussitôt
que M. Henri Dashwood se sentit en danger, il fit venir son fils, et lui recommanda sa belle
mère et ses trois sœurs, avec toute la force de la tendresse paternelle.
M. John Dashwood n'avait pas la sensibilité de son père et de toute sa famille; cependant ému
par la solennité du moment et par les tendres supplications du meilleur des pères, il lui promit
de faire tout ce qui dépendrait de lui pour le bonheur des êtres si chers à son cœur. Les
derniers instans du mourant furent adoucis par cette assurance; il expira doucement dans les
bras de sa femme et de ses filles, au désespoir de sa perte, et son fils, assis à quelques pas plus
loin, réfléchissait à sa promesse, et à ce qu'il pouvait et devait faire pour la remplir. Dans le
fond il était alors très-bien disposé pour cela. Quoiqu'il fût naturellement froid et très-égoïste,
il jouissait cependant d'une bonne réputation; il était respecté comme un jeune homme qui
avait des mœurs, qui s'était toujours conduit avec sagesse et prudence, et qui remplissait
exactement les devoirs de fils, de père, de mari et ceux de société. S'il avait eu une compagne
plus aimable, il aurait joui de plus d'estime encore, et l'aurait mieux mérité. Il s'était marié fort
jeune; et passionnément amoureux de sa femme, elle avait pris sur lui beaucoup d'empire. Un
esprit très-étroit, des nerfs très-irritables, un cœur qui n'aimait qu'elle-même et son enfant,
parce qu'il était à elle et qu'il lui ressemblait: voilà en deux mots le portrait de madame John
Dashwood.
Allons, dit M. John Dashwood en lui-même à la suite de ses réflexions, il faut tenir ce que j'ai
promis à mon père mourant, il faut faire à mes sœurs un présent qui les dédommage de leur
perte et qui augmente leur bien-être. Si je leur donnais mille pièces à chacune; il me semble
que ce serait fort honnête, et je ne puis pas faire moins; ma fortune s'augmente à présent par la
mort de mon père de quatre mille livres sterling par année des biens de mon vieux oncle, sans
parler de la moitié du bien de ma mère dont mon père jouissait. Tout cela ajouté à mes
revenus actuels, me met en état d'être généreux avec mes sœurs... Oui, oui, je leur donnerai
trois mille guinées, et je crois que c'est assez beau et qu'on parlera dans le monde de ma
libéralité. Trois mille pièces ajoutées aux trois mille qu'elles ont eues de leur bon oncle et aux
sept mille dont leur mère jouit, les mettront complètement à leur aise. Quatre femmes ne
peuvent pas dépenser beaucoup, et trois mille pièces c'est une belle somme; elles pourront
faire des épargnes considérables. Allons, j'en suis bien aise; je l'ai promis à mon père mourant,
et j'y suis résolu. Il pensa de même tout le jour, et même plusieurs jours consécutivement sans
qu'il s'en repentît; il ne leur en parla pas encore dans le premier moment de leur douleur, mais
il en prit l'engagement avec lui-même.
Les funérailles ne furent pas plutôt achevées, que madame John Dashwood, sans en avertir sa
belle-mère, arriva à Norland-Park, avec son fils et tous leurs domestiques. Personne ne
pouvait lui disputer le droit d'y venir, puisque du moment du décès de leur père, cette terre
leur appartenait; mais le peu de délicatesse de ce procédé aurait été senti même par une
femme ordinaire, et madame Dashwood la mère, avec une sensibilité romanesque, un sens
parfait des convenances, ne pouvait qu'être très-blessée de cette négligence. Madame John
Dashwood n'avait jamais cherché à se faire aimer de la famille de son mari (à l'exception
cependant du vieux oncle) mais jusqu'alors ne vivant pas avec eux, elle avait eu peu
d'occasion de leur prouver combien ils devaient peu compter sur des attentions consolantes de
sa part.
Madame Dashwood fut si aigrie de cette conduite peu amicale, et désirait si vivement de le
faire sentir à sa belle-fille, qu'à l'arrivée de cette dernière, elle aurait quitté pour toujours la
maison, si sa fille aînée ne lui avait fait observer qu'il ne fallait pas se brouiller avec leur frère.
Elle céda à ses prières, à ses représentations et, pour l'amour de ses trois filles, consentit à
rester pour le moment à Norland-Park.
Elinor sa fille aînée, dont les avis étaient presque toujours suivis, possédait une force d'esprit,
une raison éclairée, un jugement prompt et sûr, qui la rendaient très capable d'être à dix-neuf
ans le conseil de sa mère, et lui assuraient le droit de contredire quelquefois, pour leur
avantage à toutes, une vivacité d'esprit et d'imagination, qui chez madame Dashwood
ressemblait souvent à l'imprudence; mais Elinor n'abusait pas de cet empire. Elle avait un
cœur excellent, elle était douce, affectionnée, ses sentimens étaient très-vifs, mais elle savait
les gouverner; c'est une science bien utile aux femmes, que sa mère n'avait jamais apprise, et
qu'une de ses sœurs, celle qui la suivait immédiatement, avait résolu de ne jamais pratiquer.
Pour l'intelligence, l'esprit et les talens, Maria ne le cédait en rien à Elinor; mais sa sensibilité
toujours en mouvement, n'était jamais réprimée par la raison. Elle s'abandonnait sans mesure
et sans retenue à toutes ses impressions; ses chagrins, ses joies étaient toujours extrêmes; elle
était d'ailleurs aimable, généreuse, intéressante sous tous les rapports, et même par la chaleur
de son cœur. Elle avait toutes les vertus, excepté la prudence. Sa ressemblance avec sa mère
était frappante; aussi était-elle sa favorite décidée.
Elinor voyait avec peine l'excès de la sensibilité de sa sœur, tandis que leur mère en était
enchantée, et l'excitait au lieu de la réprimer. Elles s'encouragèrent l'une l'autre dans leur
affliction, la renouvelaient volontairement, et sans cesse, par toutes les réflexions qui
pouvaient l'augmenter, et n'admettaient aucune espèce de consolation, pas même dans
l'avenir. Elinor était tout aussi profondément affligée, mais elle s'efforçait de surmonter sa
douleur, et d'être utile à tout ce qui l'entourait. Elle prit sur elle de mettre chaque chose en
règle avec son frère pour recevoir sa belle-sœur à son arrivée, et lui aider dans son
établissement. Par cette sage conduite, elle parvint à relever un peu l'esprit abattu de sa mère,
et à lui donner au moins le désir de l'imiter.
Sa sœur cadette, la jeune Emma, n'était encore qu'une enfant; mais à douze ans elle promettait
déjà d'être dans quelques années aussi belle et aussi aimable que ses sœurs.
CHAPITRE II.
Madame John Dashwood fut donc installée par elle-même dame et maîtresse de Norland-
Park, et sa belle-mère et ses belles-sœurs réduites à n'y paraître plus que comme étrangères et
presque par grace. Elles étaient traitées par madame Dashwood avec une froide civilité, et par
leur frère avec autant de tendresse qu'il pouvait en témoigner à d'autres qu'à lui-même, à sa
femme et à son enfant. Il les pressa, et même avec assez de vivacité, de regarder Norland
comme leur demeure. Madame Dashwood n'ayant encore aucun autre endroit où elle pût se
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