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RÉCITS DE FEU IVAN PÉTROVITCH BIELKINE
Alexandre Pouchkine
RÉCITS DE FEU IVAN
PÉTROVITCH BIELKINE
Traduit du russe par André Gide et Jacques Schiffrin
(1830)
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Table des matières
LE COUP DE PISTOLET .. ........................................................ 8
I .. ................................................................................................... 8
II ... ............................................................................................... 17
LA TEMPÊTE DE NEIGE .... ................................................... 25
LE MARCHAND DE CERCUEILS ... ...................................... 41
LE MAÎTRE DE POSTE.... ...................................................... 51
LA DEMOISELLE-PAYSANNE .... .......................................... 67
À propos de cette édition électronique ... ................................ 93
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RÉCITS DE FEU IVAN PÉTROVITCH
BIELKINE
ÉDITÉS PAR A. P.
(1830)
MME PROSTAKOVA : Mitrophane, de-
puis son enfance, est amateur d'histoires.
SKOTININE : Tout comme moi.
FONZIVINE, Le Mineur .
AVIS DE L'ÉDITEUR
Ayant entrepris la publication des Récits d'I. P. Bielkine,
que nous présentons aujourd'hui au public, nous avons cru de-
voir y joindre une biographie, si brève soit-elle, du défunt au-
teur, de manière à satisfaire à la légitime curiosité des amateurs
de notre littérature nationale. À cette fin, nous nous étions
adressés à Maria Alexiéievna Trafilina, la plus proche parente et
héritière d'Ivan Pétrovitch Bielkine. Malheureusement il lui fut
impossible de nous fournir le moindre renseignement sur le
défunt, car elle ne l'avait point connu. Elle nous conseilla de
nous adresser, à fins utiles, au très honorable X***, vieil ami
d'Ivan Pétrovitch. Nous suivîmes donc ce conseil et, à la lettre
que nous lui écrivîmes, nous reçûmes la réponse souhaitée.
Nous la reproduisons ici sans modifications ni commentaires –
précieux témoignage d'idées élevées et d'une amitié touchante,
et d'autre part, renseignement biographique satisfaisant.
– 3 –
Très honoré Monsieur ***,
J'ai eu l'avantage de recevoir, ce 23 courant, votre hono-
rée du 15 de ce même mois, dans laquelle vous exprimez le dé-
sir d'avoir des renseignements détaillés sur les dates de la
naissance et de la mort, sur les services, la vie de famille, ainsi
que sur les occupations et le caractère de feu Ivan Pétrovitch
Bielkine, mon fidèle et ancien ami et voisin. C'est avec le plus
grand plaisir que je satisfais à votre attente, et vous communi-
que, Monsieur, tout ce dont je puis me souvenir de ses entre-
tiens, ainsi que mes observations personnelles.
Ivan Pétrovitch Bielkine naquit de parents honnêtes et no-
bles, en l'année 1798, dans le village de Gorioukhino. Feu son
père, le commandant Piotr Ivanovitch Bielkine, avait pris pour
femme la demoiselle Pélaguéya Gavrilovna, née Trafilina.
C'était un homme peu fortuné, mais de besoins modérés, et fort
habile dans la gérance de ses terres. Leur fils reçut ses rudi-
ments du sacristain du village. C'est à cet homme honorable
qu'Ivan Pétrovitch semble avoir dû son goût pour la lecture et
pour nos lettres russes. En 1815 il prit du service dans un régi-
ment de chasseurs (dont le numéro m'échappe), où il servit
jusqu'en 1823. La mort de ses parents, survenue presque en
même temps, l'amena à prendre sa retraite et à rentrer au vil-
lage de Gorioukhino, son patrimoine.
Lorsqu'il prit en main l'administration de ses terres, Ivan
Pétrovitch, autant par inexpérience que par bonté, négligea
bien vite ses affaires et compromit l'ordre rigoureux établi par
feu son père. Il congédia le staroste, homme consciencieux et
adroit, dont les paysans se plaignaient, selon leur habitude, et
remit la gérance de tous ses biens à la vieille ménagère qui
avait su gagner sa confiance par son art de conter les histoires.
Une vieille sotte incapable de différencier un assignat de vingt-
cinq roubles d'un de cinquante ! Marraine de tous les paysans,
– 4 –
ceux-ci ne la craignaient guère ; le staroste élu par eux tous
était de connivence avec eux et filoutait tant et si bien qu'Ivan
Pétrovitch se vit obligé d'abolir la corvée et de réduire la taille !
Mais là encore, profitant de sa faiblesse, les paysans obtinrent
pour la première année une exemption considérable et, les an-
nées suivantes, payèrent plus des trois quarts de leur dû avec
des noix, des airelles, etc. Malgré quoi, il restait encore des ar-
rérages.
En tant qu'ami de feu le père d'Ivan Pétrovitch, je considé-
rai comme mon devoir d'offrir mes conseils également à son
fils ; et à maintes reprises, je me mis à sa disposition pour ré-
tablir l'ordre compromis par sa négligence. Dans ce but,
m'étant un jour rendu chez lui, je demandai à voir les livres de
comptes, et fis comparaître le staroste voleur. Le jeune pro-
priétaire me prêta d'abord toute l'attention et toute l'applica-
tion désirables, mais lorsque les comptes démontrèrent que,
durant les deux dernières années, le nombre des paysans avait
augmenté, tandis qu'avait considérablement diminué le cours
de la volaille et du bétail, Ivan Pétrovitch, satisfait de ce pre-
mier renseignement, cessa de me suivre ; et au moment même
où mes recherches et mon interrogatoire sévère parvenaient à
jeter cette canaille de staroste dans une confusion extrême et à
le réduire au silence, j'entendis, à mon grand dépit, Ivan Pé-
trovitch ronfler sur sa chaise. Depuis lors je cessai de me mêler
de son administration, et je remis ses affaires (ainsi qu'il fit lui-
même) à la volonté du Très-Haut. Ceci n'a du reste nullement
troublé nos relations amicales : compatissant à sa faiblesse et
à cette funeste incurie qu'il partageait avec tous les jeunes gens
de notre noblesse, j'aimais sincèrement Ivan Pétrovitch. Et
d'ailleurs, comment ne pas aimer un jeune homme aussi doux
et aussi honnête ? De son côté, Ivan Pétrovitch témoignait de la
considération pour mon âge, et m'était cordialement dévoué. Il
me vit presque journellement jusqu'à sa mort, attachant du
prix à la simplicité de mes propos, encore que nous ne nous
ressemblions guère, ni par nos habitudes, ni par nos idées, ni
– 5 –
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