Commentaire de la physique d'Aristote (livres 1, 2, 4).doc

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Commentaire de saint Thomas d'Aquin

Commentaire de saint Thomas d'Aquin

Docteur des docteur de l'Eglise

aux huit livres de la Physique d'Aristote

traduction par Yvan Pelletier 1999, Prologue et livres 1, 2 et 4

Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

PROŒME AU COMMENTAIRE DES PHYSIQUES.

 

PROŒME AU COMMENTAIRE DES PHYSIQUES.              1

LIVRE PREMIER              5

Chapitre 1              5

Chapitre 2              10

Chapitre 5              13

Chapitre 6              17

Chapitre 7              18

Chapitre 7              23

LIVRE SECOND              26

Chapitre 1              26

Chapitre 2              34

Chapitre 3              35

Chapitre 4              41

Chapitre 5              41

Chapitre 6              47

Chapitre 7              48

Chapitre 8              55

Chapitre 9              62

LIVRE QUATRIÈME              67

Chapitre 3              75

Chapitre 4              80

Chapitre 5              88

Chapitre 6              96

Chapitre 7              99

Chapitre 8              103

Chapitre 9              114

 

 

Nous ouvrons l'analyse du livre des physiques qui est le premier de toute la science de la nature, et nous devons commencer par déterminer sa matière.

 

Toute science ayant son siège dans l'intelligence, on parvient à concevoir une réalité en l'abstrayant de la matière, et selon les divers rapports que les choses entretiennent avec elle, elles sont l'objet de différentes sciences. En outre, une science se construit par la démonstration, dont le nœud est la définition. Par conséquent, les sciences se différencient également par les diverses façons de définir.

 

Il faut donc savoir que certaines réalités dépendent de la matière pour exister et pour être définies. D'autres ne peuvent exister sans une matière tangible, quoique celle-ci n'intervienne pas dans leur définition ; elles diffèrent des premières comme le courbe du camus. Il faut de la matière pour l'existence et la définition du camus, car c'est la courbure d'un nez. Il en va de même pour toute réalité naturelle comme l'homme ou la pierre. Mais la courbe, qui ne peut exister sans matière concrète, s’en dispense dans sa définition, comme tout être mathématique tel que le nombre, la grandeur ou la figure. Il est enfin des êtres qui ne dépendent de la matière ni pour exister, ni pour être conçus, soit qu'ils soient libres de toute matière comme Dieu et les êtres spirituels, soit qu'ils ne soient pas toujours matériels comme la puissance, l’acte, la substance et l'être lui-même. Ces derniers sont le sujet de la métaphysique, les précédents celui des mathématiques et les premiers celui de la science de la nature ou physique.

 

Tout ce qui est matériel est le lieu de mouvements, de sorte que l'être mobile est le sujet de la philosophie de la nature. Celle-ci porte en effet sur les réalités naturelles dont le principe est la nature, source intime du mouvement et du repos de l'être. Seront donc sujet de la science de la nature les êtres qui ont en eux le principe de leurs mouvements.

 

Lorsque plusieurs réalités ont quelque chose en commun, il vaut mieux d'abord traiter de ce commun pour lui-même, afin de ne pas se répéter dans les différentes études particulières. De là, la nécessité d'un livre au début de la science de la nature, qui analyse les traits communs de l'être mobile, de même qu'une «philosophie première» traitant des caractères communs de l'être en tant que tel, précède toutes les autres sciences. C'est du livre des «Physiques» dont il est question. Il est aussi intitulé «Propos sur la Physique» ou «Leçons sur la Nature», car il est bâti comme un enseignement destiné à des élèves. Son sujet est l'être capable de mouvement. Je ne dis pas «... Les corps capables de mouvements», car ce livre démontre que tout être mobile est un corps, alors qu'aucune science ne prouve son sujet. D'ailleurs, le premier livre du «Traité du Ciel», qui succède à celui-ci, examine dès le début ce que sont les corps.

 

Viennent après lui tous les autres traités de la science de la nature, qui analysent les différentes espèces d'êtres mobiles : Le «Traité du Ciel» aborde les êtres en déplacement local, première espèce de mouvement ; le «Traité de la Génération», la formation des êtres et les transformations communes aux premiers mobiles que sont les éléments ; le «Traité des Météores», les transformations particulières de ces éléments ; le «Traité des Minéraux», les substances mobiles inanimées ; le «Traité de l'Âme» et les suivants, les êtres animés.

 

Aristote fait précéder son livre d’un proœme sur la méthode en sciences naturelles : Il faut commencer par considérer les principes, et d'abord les plus universels d'entre eux. Dans toute science où se trouve principes, causes ou éléments, la compréhension et la science débutent avec eux. Comme c'est le cas de la physique, il faut d'abord étudier ses principes. La compréhension réfère à la définition, et la science à la démonstration, car toutes deux procèdent des causes, et une définition complète ne diffère d'une démonstration que par la position de ses termes.

 

Par les mots «principes, causes ou éléments», on n'entend pas signifier la même chose. Cause dit plus qu'éléments, car ceux-ci sont les ultimes composants intrinsèques des choses. Les éléments d'une phrase par exemple, sont les lettres et non les syllabes, alors que la cause est ce dont dépend l'être et le devenir. Contrairement aux éléments, une cause peut donc être extrinsèque ou même intrinsèque sans être un composant ultime de la réalité. Principe dit processus ordonné, et quelque chose peut être principe sans être cause. Le départ par exemple, est le principe du mouvement ou le point celui de la ligne, sans être cause. C'est donc en donnant à «principe» le sens de cause motrice qu'on rend le mieux l'idée de processus ordonné. De même «cause» doit s'entendre des causes formelle et finale, dont dépendent d'abord l'être et le devenir. Les «éléments» enfin, sont proprement les causes matérielles primordiales. L'auteur énumère ces concepts, mais ne les associe pas, pour montrer que toutes les sciences ne démontrent pas par toutes les causes. Les mathématiques n'utilisent que la cause formelle, la métaphysique essentiellement les causes formelle et finale, et parfois la cause efficiente, tandis que la physique se sert des quatre.

 

La première assertion repose sur une opinion commune : On pense connaître quelque chose lorsqu'on en connaît toutes ses causes, de la première à la dernière. Il est inutile de chercher, comme Averroès, à comprendre autrement l'expression «principes, causes ou éléments». Aristote écrit d'ailleurs «... jusqu’aux éléments», car la matière est ce que l'on connaît en dernier. Elle est en effet conditionnée par la forme, elle-même produite par un agent en vue d'une fin, à moins qu'elle ne soit elle-même cette fin. Pour remplir sa fonction par exemple, la scie doit avoir des dents, et ces dents doivent être en acier pour pouvoir couper.

 

Aristote donne ensuite une raison et un signe pour expliquer que l'on doit commencer par les principes les plus universels. Il nous est tout naturel de saisir d'abord ce qui nous est le plus accessible, avant d'arriver à des connaissances plus conformes à la nature des choses mais aussi plus lointaines. Or plus proche est la connaissance et plus elle est connue en raison de sa généralité. On doit donc aller de l'universel au singulier.

 

Les connaissances les plus proches de nous sont les plus éloignées de la nature des choses, et comme la progression naturelle du savoir consiste à partir de ce que l'on connaît pour découvrir ce qu'on ignore, on doit s'appuyer sur ce qui est plus connu de nous pour accéder à des connaissances plus essentielles par nature. Remarquons qu'Aristote parle indifféremment de connaissable par nature ou de connaissable purement et simplement. On a une connaissance pure et simple de ce qui est en soi connaissable. Or quelque chose est d'autant plus connaissable en soi qu'il a plus d'être, et il a d'autant plus d'être qu'il est plus en acte. C'est donc de cela qu'on peut avoir une connaissance conforme à la nature. Inversement notre compréhension progresse de la puissance à l’acte, et les prémisses de la connaissance sont les qualités sensibles qui, étant matérielles, sont intelligibles en puissance. Nous les connaissons donc avant les substances immatérielles, qui sont pourtant plus connaissables par nature. «Connaissable par nature» ne veut pas dire que c'est la nature qui connaît, mais que quelque chose est connu en lui-même et dans sa propre nature. Aristote dit d'ailleurs : «plus connaissable et plus certain» car ce n'est pas n'importe quel savoir que recherche la science, mais un savoir sûr.

 

La seconde affirmation s'éclaire si l’on sait que le mot «confusion» signifie un contenu de développements possibles, mais seulement vu globalement. La connaissance globale est l'intermédiaire entre la pure puissance et l'acte achevé. Or l'intelligence humaine passe de la puissance à l'acte. La connaissance est donc confuse avant d'être distincte. Mais la science est achevée lorsque sa résolution débouche sur la connaissance précise des principes et des éléments. C'est pourquoi la connaissance confuse est plus proche de nous.

 

L'universel est évidemment confus car il contient potentiellement ses espèces. La connaissance universelle est globale. Elle se précise lorsque chacune de ses potentialités est actualisée. La connaissance de l'animalité n'est que virtuellement la connaissance de la rationalité. Donc la connaissance virtuelle précède la connaissance actuelle, et, selon cet apprentissage progressif qui nous fait passer de la puissance à l'acte, la connaissance de l'animalité est plus proche de nous que celle de l'humanité.

 

Aristote semble dire ailleurs qu'au contraire, ce sont les singuliers qui sont les plus immédiatement connu de nous et que les universels sont plus connaissables par nature. Comprenons que l’auteur entend alors par singulier l'être individuel tangible. Sa connaissance nous est plus immédiate car la sensation du singulier précède l'intelligence de l'universel. Mais l'universel est intelligible en acte, au contraire du singulier qui est matériel. Donc la connaissance intellectuelle est plus parfaite et, absolument parlant, l’universel est plus connaissable par nature. Tandis qu'ici, «singulier» ne désigne pas l'être individuel, mais l'espèce, qui est plus connaissable par nature, puisque son existence est plus achevée et sa connaissance plus précise.

 

Averroès explique autrement ce passage. Pour lui, Aristote a voulu donner la méthode de démonstration de cette science qui consiste à partir des effets et de ce qui est second par nature, et non la façon dont elle progresse. Toujours selon ce commentateur, le philosophe a voulu montrer que ce qui est plus connaissable pour nous, c'est l'être composé d'éléments simples, prenant "composé " pour " confus ", et il en conclut comme corollaire qu'il faut aller du plus universel au moins universel. Mais cette explication ne convient manifestement pas. Il n'y a pas d'unité d'intention liant l'ensemble. De plus Aristote n'a pas voulu donner ici le mode de démonstration puisqu'il le fait au second livre de ce traité, selon l'ordre normal de progression. En outre ce n'est pas la «composition» qu'il fallait expliquer, mais l’ «indistinction». On ne peut en effet conclure quoi que ce soit d'un universel, car le genre n'est pas «composé» d'espèces.

 

Puis Aristote illustre son propos de trois signes : Comme une entité sensible est d'abord connue des sens, une entité intelligible l'est d'abord de l'intelligence. Or l'universel est une sorte d'entité intelligible car il contient à titre de parties de nombreux inférieurs. Donc pour nous, l’universel est d'abord connu de l'intelligence. Pourtant l'équivoque des termes «tout», «partie» et «contient» semble anéantir toute force probante. Il faut donc voir qu'une entité complexe et un universel ont en commun d'être synthétiques et indistincts. La saisie d'un genre n'est pas le discernement de ses espèces, elle n'en est qu'une possibilité. De la même façon en apercevant une maison, on n'en distingue pas d'emblée les parties, et notre connaissance de cette entité comme de l'autre est d'abord marquée d’indistinction. Elles n'ont cependant pas en commun le fait d'être composées, ce qui montre que l'auteur a bien voulu parler de confusion et non pas de composition.

 

Aristote donne un deuxième signe avec la notion d'entité complexe d'ordre intellectuel : Un objet défini se comporte, vis à vis des éléments le définissant, un peu comme un tout puisqu'il les contient en acte. Mais celui qui en saisit le nom, que ce soit «homme» ou «cercle», ne discerne pas tout de suite les principes le définissant. Le nom est donc une totalité indistincte que la définition décompose, en séparant un à un les principes qui le définissent. Là encore pourtant, il parait y avoir contradiction avec ce qu'on a dit précédemment : Les éléments définissant un objet doivent être plus universels, puisqu'on les a dits mieux connus de nous. Si en outre l'objet défini nous était mieux connu que ce qui le définit, jamais la définition ne pourrait nous le faire découvrir, puisqu'on ne progresse qu'à partir de ce que l'on sait déjà. C'est qu'en fait, les termes d'une définition, en tant que tels, nous sont mieux connus que le défini, mais on connaît l'objet à définir avant de savoir que ce sont ces termes là qui le définissent. Pour prendre un exemple, on sait ce que sont l'animalité et la rationalité avant de savoir ce qu'est l'humanité, mais on connaît d'abord confusément la nature humaine avant de savoir qu'elle se définit comme «animal raisonnable».

 

Enfin le philosophe donne une dernière preuve issue de l'universalité propre à la sensation : Plus le concept est universel et plus il nous est accessible, et de même, le sens appréhende d'abord des perceptions plus communes. Il s'agit là d'une antériorité aussi bien au regard de la distance que du temps. Lorsqu'en effet, nous percevons quelque chose d'éloigné, nous voyons d'abord un corps, avant de distinguer un être animé, puis un homme et enfin Socrate. De même l'enfant perçoit un homme avant de voir que cet homme est Platon et qu'il est son père. C'est pourquoi, ajoute Aristote, il appelle d'abord tous les hommes «papa» et toutes les femmes «maman», avant de les reconnaître chacun personnellement.

 

 

LIVRE PREMIER

 

Chapitre 1

 

1. Connaissance et science viennent, en toute recherche ordonnée1 dont il y a principes ou causes ou éléments, du fait de les connaître. En effet, nous pensons connaître vraiment une chose lorsque nous avons découvert ses premières causes, puis ses premiers principes, et jusqu'à ses éléments. Il est donc clair que, pour la science qui porte sur la nature, on doit d'abord s'efforcer de définir ce qui en concerne les principes. 2. Or, la voie qui nous est naturelle, c'est d'aller de ce qui nous est plus connaissable et plus clair à ce qui est plus clair et plus connaissable de par sa nature; car ce n'est pas la même chose qui nous est plus connaissable et qui l'est absolument. C'est pourquoi il faut progresser de la manière suivante: de ce qui est moins clair, de par sa nature, mais plus clair pour nous, à ce qui est plus clair et plus connaissable de par sa nature. Or, ce qui est manifeste et clair en premier, pour nous, c'est ce qui est davantage confus2; par après, à partir de cela, à mesure que nous en faisons l'analyse, les éléments et les principes se font connaître. C'est pourquoi il faut aller des universels aux singuliers. 3. Pour le sens, déjà, le tout est plus connaissable, et l'universel est une sorte de tout, car l'universel contient bien des choses comme ses parties. 4. Il en va pareillement, en quelque manière, dans la relation des noms à la définition: en effet, ils signifie une sorte de tout et sans distinction, comme le cercle. Alors que sa définition pousse la division jusqu'aux éléments singuliers. 5. Aussi, les enfants appellent d'abord tous les hommes pères, et mères toutes les femmes; c'est par après qu'ils différencient chacun d'eux.

 

Leçon 1

#1. — Le traité des choses naturelles, dont nous entreprenons l'exposition, est le premier traité de la science naturelle. Aussi faut-il, à son début, indiquer ce qu'est la matière et le sujet de la science naturelle. Toute science, doit-on savoir, réside dans l'intelligence, et une chose devient intelligible en acte du fait d'être de quelque façon abstraite de la matière. Par conséquent, dans la mesure où des choses entretiennent une relation différente avec la matière, elles appartiennent à des sciences différentes. De plus, toute science s'obtient par démonstration et le moyen de la démonstration, c'est la définition; nécessairement, donc, de manières différentes de définir résultent des sciences différentes.

#2. — Or, doit-on savoir, il y a des choses dont l'existence dépend de la matière et qui ne peuvent pas se définir sans matière; il y en a, par contre, dans la définition desquelles n'intervient pas de matière sensible, même si elles ne pourraient pas exister sinon dans une matière sensible. Ces choses diffèrent entre elles comme le courbe et le camus. En effet, le camus existe dans une matière sensible, et nécessairement, dans sa définition, intervient une matière sensible; car le camus est un nez courbe. Et toutes les choses naturelles sont de la sorte, comme l'homme, la pierre. Dans la définition du courbe, par contre, n'intervient pas de matière sensible, bien qu'il ne pourrait pas exister sinon dans une 1Perì pásaß tàß meqódouß. 2Tà sugkecuména mâllon. céw signifie verser. Il s'agit des choses qui se trouvent versées ensemble, c'est-à-dire qui ne sont pas encore séparées, sans connotation péjorative. Parler des ensembles les plus mêlés, comme traduit Henri Carteron, risque de pousser sur une fausse piste en donnant l'impression d'une confusion finale et donc mauvaise, plutôt que de la confusion de départ normale des parties d'un tout qu'on s'apprête à séparer les unes des autres. 4 matière sensible. Et toutes les choses mathématiques sont de la sorte, comme les nombres, les grandeurs et les figures. Par ailleurs, il y a des choses qui ne dépendent de la matière ni pour leur existence ni pour leur conception3. Soit qu'elles n'existent jamais dans une matière, comme Dieu et les autres substances séparées; soit qu'universellement elles n'existent pas dans une matière, comme la substance, la puissance et l'acte, et l'être même.

#3. — C'est sur des choses de la sorte que porte la métaphysique, tandis que c'est la mathématique qui porte sur celles qui dépendent de la matière sensible pour leur existence mais non pour leur conception, et la science naturelle — qu'on appelle Physique — qui porte sur celles qui dépendent de la matière non seulement pour leur existence mais aussi pour leur conception. En outre, tout ce qui comporte matière est mobile; par conséquent, c'est l'être mobile qui est le sujet de la philosophie naturelle. En effet, la philosophie naturelle porte sur les choses naturelles; or les choses naturelles sont celles dont le principe est leur nature, et la nature est un principe de mouvement et de repos en ce en quoi elle est. C'est donc sur les choses qui ont en elles un principe de mouvement que porte la science naturelle.

#4. — Par ailleurs, on doit traiter en premier et à part de ce qui s'attache à quelque chose de commun, pour ne pas avoir à le répéter plusieurs fois, en traitant toutes les parties de cet élément commun. Pour cette raison, il a été nécessaire de mettre en premier, dans la science naturelle, un traité dans lequel on traiterait de ce qui s'attache à l'être mobile en général. De la même manière, on met avant toutes les sciences la philosophie première, dans laquelle on détermine de ce qui est commun à l'être en tant qu'être. C'est le traité de la Physique, qu'on appelle aussi De l'auditeur physique, ou naturel, parce que son contenu s'adresse à des auditeurs sur le mode d'un enseignement. Et son sujet est l'être mobile pris absolument. Je ne dis pas, toutefois, le corps mobile, car c'est dans ce traité qu'on prouve que tout mobile est un corps, et aucune science ne prouve son sujet. C'est pourquoi aussi, dès le début du traité Du Ciel, qui fait suite à celui-ci, on commence par une manifestation du corps. Puis, font suite à ce traité d'autres traités de science naturelle, dans lesquels on traite des espèces des êtres mobiles. Par exemple, au traité Du Ciel, il s'agit de l'être mobile selon le mouvement local, qui est la première espèce de mouvement; dans le traité De la génération, il s'agit du mouvement vers la forme et des premiers êtres mobiles, à savoir, les éléments, en rapport à leurs transformations générales; pour ce qui est de leurs transformations spéciales, on en traite dans le traité Des Météores ; puis, il s'agit des êtres mobiles mixtes inanimés dans le traité Des Minéraux ; et des êtres animés dans le traité De l'âme et dans ceux qui le suivent.

#5. — Aristote fait précéder ce traité d'un proème dans lequel il montre l'ordre dans lequel on doit procéder en science naturelle. Aussi établit-il deux règles: il montre, en premier, qu'il faut commencer par traiter des principes et, en second (184a16), que, parmi les principes, il faut commencer par les principes plus universels. En premier, donc, il raisonne comme suit. Dans toutes les sciences où on trouve des principes ou des causes ou des éléments, leur intelligence et leur science sont issues de la connaissance de leurs principes, causes et éléments; or la science qui porte sur la nature possède des principes, des éléments et des causes; il faut donc, en elle, commencer par traiter des principes. Par ailleurs, qu'il parle d'intelliger, cela renvoie aux définitions, et qu'il parle de savoir, cela renvoie aux démonstrations. En effet, tout comme les démonstrations, les définitions aussi partent des causes, car une définition complète est une démonstration, seule la disposition faisant une différence, comme il est dit, Seconds Analytiques, I, ch. 8. D'autre part, en parlant de principes ou de causes ou d'éléments, il ne veut pas dire la même chose. En effet, la cause a plus d'extension que l'élément, car l'élément est ce dont une chose est initialement composée et qui se trouve en elle, comme il est dit, Métaphysique, V, ch. 3. Par exemple, les éléments d'un mot, ce sont ses lettres, et non ses syllabes. On appelle des causes, par contre, ce dont des choses dépendent dans leur être ou leur devenir; aussi, même ce qui est en dehors d'une chose, ou qui se trouve dans la chose, mais dont elle n'est pas initialement composée, peut s'appeler sa cause, mais non 3Nec secundum rationem. 5 son élément. Le principe, quant à lui, implique un ordre dans un processus; aussi, une chose peut être un principe sans être une cause; par exemple, là où commence un mouvement, c'est le principe du mouvement, mais ce n'en est pas la cause; et le point est le principe de la ligne, mais non sa cause, pourtant. Ainsi donc, par principes, Aristote semble bien, ici, entendre les causes motrices et les agents, de qui surtout on attend l'ordre d'un processus; par causes, ensuite, il semble bien entendre les causes formelles et finales, dont, surtout, dépendent les choses dans leur être et dans leur devenir; et par éléments, il semble entendre les premières causes matérielles. Il use par ailleurs de ces noms en disjonction et non en conjonction pour signaler que toute science ne démontre pas par toutes les causes. En effet, la mathématique ne démontre que par la cause formelle; la métaphysique démontre par la cause formelle et finale principalement, et aussi par l'agent; enfin, la science naturelle démontre par toutes les causes. Il prouve ensuite la première proposition du raisonnement apporté à partir de l'opinion commune, comme aussi Seconds Analytiques, I, ch. 2: c'est que n'importe qui pense qu'il connaît une chose quand il en connaît toutes les causes, des premières aux dernières. Et il n'est pas nécessaire, ici, de prendre causes, éléments et principes ...

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