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Nana
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits »
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Table des matières
Chapitre I
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3
Chapitre II
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38
Chapitre III
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69
Chapitre IV
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98
Chapitre V
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138
Chapitre VI
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181
Chapitre VII
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222
Chapitre VIII
......................................................................
259
Chapitre IX
.........................................................................
302
Chapitre X
..........................................................................
336
Chapitre XI
.........................................................................
374
Chapitre XII
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418
Chapitre XIII
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447
Chapitre XIV
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497
À propos de cette édition électronique
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Chapitre I
À neuf heures, la salle du théâtre des Variétés était encore
vide. Quelques personnes, au balcon et à l’orchestre,
attendaient, perdues parmi les fauteuils de velours grenat, dans
le petit jour du lustre à demi-feux. Une ombre noyait la grande
tache rouge du rideau ; et pas un bruit ne venait de la scène, la
rampe éteinte, les pupitres des musiciens débandés. En haut
seulement, à la troisième galerie, autour de la rotonde du
plafond où des femmes et des enfants nus prenaient leur volée
dans un ciel verdi par le gaz, des appels et des rires sortaient
d’un brouhaha continu de voix, des têtes coiffées de bonnets et
de casquettes s’étageaient sous les larges baies rondes,
encadrées d’or. Par moments, une ouvreuse se montrait,
affairée, des coupons à la main, poussant devant elle un
monsieur et une dame qui s’asseyaient, l’homme en habit, la
femme mince et cambrée, promenant un lent regard.
Deux jeunes gens parurent à l’orchestre. Ils se tinrent
debout, regardant.
– Que te disais-je, Hector ? s’écria le plus âgé, un grand
garçon à petites moustaches noires, nous venons trop tôt. Tu
aurais bien pu me laisser achever mon cigare.
Une ouvreuse passait.
– Oh ! monsieur Fauchery, dit-elle familièrement, ça ne
commencera pas avant une demi-heure.
– Alors, pourquoi affichent-ils pour neuf heures ?
murmura Hector, dont la longue figure maigre prit un air vexé.
– 3 –
Ce matin, Clarisse, qui est de la pièce, m’a encore juré qu’on
commencerait à neuf heures précises.
Un instant, ils se turent, levant la tête, fouillant l’ombre des
loges. Mais le papier vert dont elles étaient tapissées les
assombrissait encore. En bas, sous la galerie, les baignoires
s’enfonçaient dans une nuit complète. Aux loges de balcon, il n’y
avait qu’une grosse dame, échouée sur le velours de la rampe. À
droite et à gauche, entre de hautes colonnes, les avant-scènes
restaient vides, drapées de lambrequins à longues franges. La
salle blanche et or, relevée de vert tendre, s’effaçait, comme
emplie d’une fine poussière par les flammes courtes du grand
lustre de cristal.
– Est-ce que tu as eu ton avant-scène pour Lucy ? demanda
Hector.
– Oui, répondit l’autre, mais ça n’a pas été sans peine…
Oh ! il n’y a pas de danger que Lucy vienne trop tôt, elle !
Il étouffa un léger bâillement, puis, après un silence :
– Tu as de la chance, toi qui n’as pas encore vu de
première… La Blonde Vénus sera l’événement de l’année. On en
parle depuis six mois. Ah ! mon cher, une musique ! un chien !
… Bordenave, qui sait son affaire, a gardé ça pour l’Exposition.
Hector écoutait religieusement. Il posa une question.
– Et Nana, l’étoile nouvelle, qui doit jouer Vénus, est-ce
que tu la connais ?
– Allons, bon ! ça va recommencer ! cria Fauchery en jetant
les bras en l’air. Depuis ce matin, on m’assomme avec Nana. J’ai
rencontré plus de vingt personnes, et Nana par-ci, et Nana par-
là ! Est-ce que je sais, moi ! est-ce que je connais toutes les filles
– 4 –
de Paris ! … Nana est une invention de Bordenave. Ça doit être
du propre !
Il se calma. Mais le vide de la salle, le demi-jour du lustre,
ce recueillement d’église plein de voix chuchotantes et de
battements de porte l’agaçaient.
– Ah ! non, dit-il tout à coup, on se fait trop vieux, ici. Moi,
je sors… Nous allons peut-être trouver Bordenave en bas. Il
nous donnera des détails.
En bas, dans le grand vestibule dallé de marbre, où était
installé le contrôle, le public commençait à se montrer. Par les
trois grilles ouvertes, on voyait passer la vie ardente des
boulevards, qui grouillaient et flambaient sous la belle nuit
d’avril. Des roulements de voiture s’arrêtaient court, des
portières se refermaient bruyamment, et du monde entrait, par
petits groupes, stationnant devant le contrôle, montant, au
fond, le double escalier, où les femmes s’attardaient avec un
balancement de la taille. Dans la clarté crue du gaz, sur la nudité
blafarde de cette salle dont une maigre décoration Empire
faisait un péristyle de temple en carton, de hautes affiches
jaunes s’étalaient violemment, avec le nom de Nana en grosses
lettres noires. Des messieurs, comme accrochés au passage, les
lisaient ; d’autres, debout, causaient, barrant les portes ; tandis
que, près du bureau de location, un homme épais, à large face
rasée, répondait brutalement aux personnes qui insistaient pour
avoir des places.
– Voilà Bordenave, dit Fauchery, en descendant l’escalier.
Mais le directeur l’avait aperçu.
– Eh ! vous êtes gentil ! lui cria-t-il de loin. C’est comme ça
que vous m’avez fait une chronique… J’ai ouvert ce matin Le
Figaro . Rien.
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